Liberté et Contrainte sont deux facettes qui me fascinent. L'une comme l'autre peuvent être paralysantes lorsqu'elle sont en excès comme lorsqu'elles sont insuffisantes.
Contrainte : Une partition de musique déjà écrite semble contenir TOUTES les indications nécessaires pour jouer, et semble ne pas laisser de marge de manœuvre, justement pour être la plus fidèle possible à l'intention du compositeur. Et pourtant, les interprètes lui donnent un caractère unique, et extrêmement variable d'un jour à l'autre et d'une personne à l'autre. Les meilleurs interprètes sont d'ailleurs souvent ceux qui prennent le plus de libertés, à l'intérieur du cadre strict de la partition. Je me suis amusée à faire une playlist sur Spotify qui ne contient qu'un seul morceau : Le 2nd mouvement du Trio opus 100 n°2 de Schubert, interprété par 17 trios différents. En passant d'un morceau à l'autre, après avoir entendu les premières mesures, on est sidéré de l'ampleur des variations. Tout bouge : le rythme, le son, le timbre, l'articulation, l'harmonie créée par les trois musiciens, l'équilibre général... Liberté : Le jazz semble, a priori, contenir toutes les libertés. On improvise, à plusieurs, en enrichissant et complétant ce que l'on vient d'entendre, en suivant un éventuel élan intérieur, on joue avec les "fausses" notes qui n'en sont plus, pour les incorporer dans un morceau qui émerge au fur à mesure, pour peut-être atteindre le "groove" ? Et pourtant. Le jazz a lui aussi besoin de contraintes pour fonctionner : des accords codifiés "D-7","G7", "C", des successions d'accords codifiées, "II-V-I", un nombre de mesures codifié : "8", "16". Éléments de cadrage nécessaires aux jazzmen pour se repérer et avancer ensemble, comme une carte topographique sur un terrain trop vaste pour l'oeil nu. Contrainte : Exécuter des tâches précises, dans un ordre imposé et minuté, pour suivre les étapes d'un Hackaton en équipes, et créer une innovation qui réponde à une question posée. Liberté : La même question posée aux mêmes personnes, sans étapes ni minutage ni émulation aboutit à ... un blanc ? Je croyais découvrir la liberté en apprenant le violon jazz. Je la redécouvre finalement en plongeant dans des partitions classiques ! Mais peut-être me fallait-il ce détour par le jazz pour mettre de la liberté dans les partitions classiques. Et vous, quelle dose de liberté vous accordez-vous devant vos partitions déjà écrites ? Et quelles doses de contraintes introduisez-vous dans vos pages blanches pour les structurer ? Quel est le bon dosage et comment le faire varier au fur à mesure que l'on avance ?
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AuthorLaure Helfgott Archives
October 2020
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