CHRONIQUE DU MANAGEMENT EN ESPAGNE – Emmanuel Mielvaque, à propos de la pleine conscience au travail11/17/2014
Emmanuel Mielvaque (Photo Laure Helfgott) a d’abord souhaité devenir golfeur professionnel. Après son bac et un début de Math Sup Bio, il bifurque vers l’équipe nationale de Golf pour tester in vivo sa vocation. Un an plus tard, comprenant que l’avenir professionnel en tant que golfeur risquait de ne pas le satisfaire pleinement, il s’oriente vers une autre passion : les sciences, en s’inscrivant en DEUG A Sciences des Structures de la Matière, mais atterrit finalement en Gestion des Entreprises et Administration où il a l’opportunité de faire plusieurs échanges universitaires et stages, à New York, Boston et New Castle. Il entre ensuite en admission parallèle à Sup de Co Reims avec l’intention claire de partir travailler à l’étranger, et fait une année de césure en Marketing International chez Cartier à Paris. A sa sortie de l’école, il est recruté dans la pépinière d’Altran où il profite d’une formation passionnante de 8 mois qui l’amène à découvrir et pratiquer les métiers d’Altran dans plusieurs filiales disséminées dans le monde.
Pour son VIE, Altran lui propose alors de développer une Business Unit dans la filiale espagnole basée à Tres Cantos, dans le nord de Madrid, où il est chargé de développer de nouveaux clients dans le secteur de la téléphonie, sans toutefois toucher au principal client de l’époque : Telefonica. Loin des méthodes et structures connues à Paris, il se retrouve sur les routes espagnoles avec pour seuls outils son téléphone portable et un annuaire de contacts. Son énergie et ses talents de vendeur lui permettent alors de développer cette busines unit en un temps record. Il recrute de nouveaux profils, détecte les talents, fait émerger des besoins chez ses prospects et clients, recrute peu à peu toutes les entreprises du secteur Telecom hors Telefonica, et s’occupe de tout : rentabilité, facturation, production… etc. Emmanuel Mielvaque gravit rapidement les échelons chez Altran Espagne et se retrouve Directeur Général à 29 ans, avec un nouveau défi : développer les secteurs hors téléphonie -aéronautique, défense, transport et investissements technologiques. Il a alors l’idée de créer une business unit promouvant la mobilité internationale chez Altran, pour servir le mieux possible ces nouveaux secteurs et faire monter en compétence les ingénieurs : il les envoie en immersion dans d’autres filiales du groupe à l’étranger, s’enrichir de nouvelles méthodes, de points de vue différents et d’agilité linguistique et culturelle. Cette pratique d’échanges internationaux a ainsi permis de former rapidement et efficacement de nombreux ingénieurs espagnols qui possédaient déjà une excellente formation académique. Altran entre ensuite dans une phase d’acquisitions externes : 24 sociétés rachetées en 3 ans, qui font expérimenter à Emmanuel Mielvaque un nouveau rôle, le mentoring-coaching des dirigeants de sociétés rachetées, afin de les aider à construire et adapter le nouveau business model du groupe. En 2005, alors même que le terrain et la relation client commencent à lui manquer, Alma CG lui propose de prendre en charge le développement de leur toute récente filiale espagnole, qui compte alors 8 personnes. Elle est aujourd’hui composée de 100 salariés en Espagne et au Portugal, spécialisée sur 3 métiers : la recherche et l’optimisation de financement de l’innovation (dont le crédit d’impôts recherche), l’optimisation de taxes foncières et celle des coûts sociaux. Cette activité de conseil en réduction de coûts, dont le business model repose sur une rémunération variable en fonction des économies réalisées pour le client, est une jolie proposition anti-crise, et un métier très profitable. Son challenge : un management façon Silicon Valley en Espagne ! Emmanuel Mielvaque a commencé l’année dernière une étonnante évolution managériale qui évoque les méthodes de Google : la "Mindfulness". Après avoir effectué lui-même un parcours complet de MBSR - Mindfulness Based Stress Reduction, protocole de réduction de la douleur et du stress initialement lancé dans les hôpitaux du Massachusetts par Jon Kabat-Zinn dan les année 1980– Emmanuel Mielvaque a décidé de l’introduire progressivement dans son entreprise pour profiter des effets positifs qu’il avait en premier lieu observé sur lui-même : diminution du stress, augmentation de la concentration, de l’attention, de la présence... Ainsi, les salariés d’Alma CG reçoivent régulièrement la visite d’un spécialiste de Mindfulness issu de la Universidad Complutense de Madrid, qui vient leur faire pratiquer les fondamentaux de la Pleine Conscience : attention portée aux sons, aux sensations physiques, aux émotions, méditation formelle et méditation informelle, mais aussi des mouvements de yoga et d’Aïkido. Le programme est bien entendu basé sur le volontariat, et Emmanuel Mielvaque observe que la plupart des salariés participent avec curiosité et plaisir à ces sessions. Les effets bénéfiques de ces pratiques n’ont d’ailleurs pas tardé à se faire sentir : les conflits sont davantage acceptés et mieux gérés, la créativité se développe, l’écoute s’améliore, la communication s’intensifie et se fluidifie avec des échanges email souvent remplacés par des entrevues en face à face. Une autre innovation montre également des résultats très positifs : les réunions en position debout plutôt qu’assise, et d’une durée de 15 min seulement. Les équipes d’Alma CG sont profondément multi-culturelles : plusieurs nationalités d’une part, mixité hommes/femmes bien entendu, mais aussi et surtout des profils extrêmement variés qui ne parviennent pas toujours à se comprendre les uns les autres : ingénieurs formés à la comptabilité, architectes experts de la taxe foncière, économistes, spécialistes de la paye, docteurs de haut niveau animant le département de recherche et développement. Or ces populations qui avaient parfois du mal à collaborer, et montraient régulièrement des signes d’incompréhension, voire quelques complexes d’infériorité ou de supériorité, parviennent désormais à travailler main dans la main la plupart du temps, avec une perception beaucoup plus fine des mécanismes en jeu et des relations humaines. Cette nouvelle façon de travailler, et en particulier la multiplication des mini-réunions, a permis de mettre en place un management beaucoup plus participatif et responsabilisant, auquel les entreprises espagnoles ne sont pas nécessairement habituées tant le respect de la hiérarchie rend parfois difficile l’autonomie du middle-management. L’expression espagnole la plus révélatrice de la culture du travail en Espagne, selon Emmanuel Mielvaque? "No te preocupes, no pasa nada", une phrase qui contrairement à ce que sa traduction pourrait laisser entendre, lui donne toutes les raisons d’allumer les alarmes internes et d’être attentif à ce qui risque de mal se passer. Une autre expression, davantage reflet de la crise que de la culture espagnole : "es tu última oferta ?", symptôme de la pression systématique sur les prix et de la prise de pouvoir des acheteurs. La structure des prix a été ainsi très malmenée par la crise, avec un effet secondaire néfaste : l’Espagne s’est construit peu à peu un modèle presque low-cost assez risqué pour la pérennité de sa structure économique. Les 3 conseils qu’il donnerait à un manager français qui arriverait en Espagne le mois prochain ? - Bien parler espagnol. Et si ce n’est pas le cas, avoir l’humilité de le reconnaître et de prendre des cours intensifs. - Ecouter. - Se donner le temps, et mettre de côté l’impatience. Propos recueillis pour lepetitjournal.com par Laure Helfgott, Coach certifiée HEC Paris.Cette interview se place dans le cadre de l'étude qu'elle mène à Madrid, en partenariat avec lepetitjournal.com et La Chambre, sur l'influence de la culture espagnole dans les pratiques managériales des dirigeants français en Espagne.
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Chronique du Management en Espagne - Olivier Lepoutre, à propos de la culture du service client11/11/2014
Olivier Lepoutre (photo Laure Helfgott) dirige la filiale espagnole de Qualimétrie depuis fin 2009. Cette entreprise française indépendante, dirigée par Jean-François Lepoutre (cousin d’Olivier), compte parmi les 15 premiers cabinets de marketing en France, et se classe 3e dans sa spécialité : la satisfaction clients. Basée dans le Nord de la France, berceau de la distribution et emplacement stratégique pour servir les clients d’Europe du Nord, l’entreprise a rapidement ouvert une filiale en Espagne dans l’objectif d’offrir peu à peu les mêmes services aux clients d’Europe du Sud.
Avant de se lancer dans l’aventure entrepreneuriale pour développer la filiale espagnole de Qualimétrie, Olivier Lepoutre a d’abord travaillé pendant 5 ans chez Leroy Merlin en France puis 14 ans comme Directeur Général du groupe Mainetti en Espagne. C’est à l’occasion d’un joli enchaînement d’événements qu’Olivier Lepoutre change de cap : une rupture des ligaments croisés en 2007, ayant pour conséquence un arrêt de travail qu’il met à profit avec des séances de coaching. Au cours de ces dernières, il décide de lancer sa propre entreprise au moment même où son cousin s’interroge sur le futur de la filiale espagnole ! Cette succession d’événements et de décisions aboutit en 2009 au pari de relancer Qualimétrie Espagne pour en faire une entreprise référente sur le marché de la satisfaction clients, véritable réplique de Qualimétrie France, mais adaptée au marché espagnol. Olivier Lepoutre est aujourd’hui fier de ce parcours qui lui a donné l’opportunité de passer d’un poste de direction au sein d’un grand groupe industriel à un lancement d’entreprise : alors qu’en 2009, Qualimétrie Espagne avait deux salariés et un chiffre d’affaires qui peinait à les rémunérer, elle compte aujourd’hui 20 salariés et un chiffre d’affaires multiplié par 10, à peine 5 ans plus tard. Ses activités, centrées sur la mesure et l’animation de la satisfaction clients, vont de la visite mystère au diagnostic d’expérience client, en passant par les sondages, baromètres de satisfaction et études de benchmarking. La culture du service client : une particularité espagnole Olivier Lepoutre observe que la culture du service client est très particulière en Espagne. L’accent y est mis sur ce qui est indispensable, nécessaire, directement utile : "Ce qui est incontournable se vend bien, tandis que la sophistication se vend mal". Ainsi, les efforts de vente qui viseraient à promouvoir un produit ou service considéré comme non essentiel sont relativement peu développés, voire même parfois considérés comme suspects. La vente n’est jamais agressive et la philosophie du vendeur pourrait se résumer ainsi : "si la vente doit se faire, elle se fera". L’expérience client vue dans son ensemble est rarement étudiée, ou alors sous la forme du contrôle-sanction davantage que de l’animation, même si les choses évoluent actuellement. Conséquence logique de cette philosophie de la vente, le marché de la satisfaction client et les outils pour la faire grimper sont encore peu développés, et c’est avec la patience et la persévérance du défricheur qu’Olivier Lepoutre explique le potentiel de croissance qui se niche dans la satisfaction des clients et la création d’ambassadeurs de la marque ! Son objectif ? Créer une équipe franco-espagnole efficace et harmonieuse L’équipe de Qualimétrie Espagne, aujourd’hui composée de 20 salariés espagnols et français, et en recrutement de 10 personnes supplémentaires, est en recherche constante d’équilibre et de cohésion pour faire travailler efficacement ensemble Français et Espagnols : l’accueil chaque matin, les fêtes pour les victoires, un "salaire émotionnel" sous la forme d’invitations à des matches de foot au Bernabeu ou à des spectacles, des concours pour gagner un iPad ou encore le "buzón de sugerencias", permettent progressivement à cette jeune équipe de créer une bonne ambiance de travail et de réduire le turn-over. Olivier Lepoutre a notamment vu l’effet immédiat de deux actions mises en place récemment : les pauses communes, et l’instauration d’un "rendez-vous client" au cours duquel il explique l’utilité finale du travail de l’équipe, en prenant pour exemple concret les campagnes en cours et donnant ainsi accès au sens et au résultat attendu de la mission, vus depuis la perspective du client. S’il ne devait retenir qu’une seule expression espagnole typique dans le monde du travail, ce serait : "¡Fenomenal, lo has hecho de p… madre!", qui est le plus beau compliment que l’on puisse faire à un Espagnol sur la qualité de son travail ! Les Français ont du mal à comprendre que cela puisse être un compliment, et leur politesse innée rend cette phrase presque imprononçable sur le lieu de travail ; tandis que les Espagnols ne l’entendront jamais autrement que comme la reconnaissance d’un travail vraiment bien fait. Les 3 conseils qu’il donnerait à un manager français qui arriverait en Espagne le mois prochain ? - Se fondre le plus possible dans la culture espagnole, en évitant de faire ce qui est souvent reproché aux Français : critiquer, comparer aux façons de faire "à la Française". - Formuler les remarques ou les reproches "con mano izquierda", avec beaucoup de délicatesse, de tact. - S’adapter à la culture de la cervezita et des discussions d’affaires qui commencent par la météo et le foot, sans chercher à aller "directo al grano", droit au but, une agressivité commerciale qui est souvent mal perçue et contreproductive. Propos recueillis pour lepetitjournal.com par Laure Helfgott, Coach certifiée HEC Paris. Cette interview se place dans le cadre de l'étude qu'elle mène à Madrid, en partenariat avec lepetitjournal.com et La Chambre, sur l'influence de la culture espagnole dans les pratiques managériales des dirigeants français en Espagne. Cette étude sera présentée lors d’une conférence à La Chambre début 2015. |
AuthorLaure Helfgott Archives
October 2020
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