En 1984, Clotilde Bertemier se retrouve en Espagne chargée du lancement et de l’exploitation du réseau La Croissanterie, ouvrant de nombreux points de vente au fur à mesure de l’essor des centres commerciaux, jusqu’à ce que la marque devienne à l’époque la première chaine de restauration rapide française en Espagne : 30 magasins, 150 personnes et une amplitude horaire très large 10h-22h.
Pendant 5 ans, Clotilde Betermier développe ainsi l’entreprise, écoute, s’adapte, se familiarise avec son nouveau pays, puis ressent l’envie de bouger et d’aller vers une structure plus petite et plus souple. Elle crée alors Intro Ibérica, une agence de conseil en implantation en Espagne, qui apporte à d’autres entreprises françaises le fruit de son expérience espagnole des cinq années précédentes. De nombreux clients lui font confiance : Hermès, Celio, Groupe Tesson, Lalique, Grand Optical... Et c’est en écoutant les désirs d’un de ses clients que Clotilde Betermier développe peu à peu un nouveau métier : les relations presse. Elle s’y forme, développe ses activités sur ce thème et gagne peu à peu la confiance de grands groupes internationaux qui la chargent de leur image en Espagne, en abandonnant progressivement le conseil en implantation. Dans ses bureaux de Calle Velázquez, Intro Ibérica compte 9 salariés espagnols pour servir une vingtaine de clients sur deux principaux secteurs : biens de consommation et haute technologie (B2B et B2C). Elle assure pour eux à la fois les relations presse et la gestion des réseaux sociaux, prenant en charge le "community management" et la gestion des comptes Twitter, Facebook, ou encore la création de contenu pour les blogs de ses clients. Flexibilité et polyvalence : l’ADN du salarié espagnol Quand elle compare les habitudes de travail en Espagne par rapport à la France, Clotilde Betermier observe une grande flexibilité des salariés espagnols. Ils savent valoriser ce qu’ils ont déjà, plutôt que se focaliser sur ce qui leur manque, s’adapter en souplesse plutôt que se braquer, et accepter de sortir du cadre de leur contrat initial lorsque les circonstances le demandent. Une flexibilité et une polyvalence que Clotilde Betermier reconnaît et apprécie à sa juste valeur. La construction d’Intro Ibérica s’est d’ailleurs faite de manière progressive, sur un mode de co-construction avec les salariés, à la recherche d’un équilibre toujours à réinventer, et reposant sur une grande écoute, de la disponibilité, beaucoup de respect mutuel… et une certaine fermeté ! L’équilibre entre vie privée et vie professionnelle est une source de fierté pour Clotilde Betermier ; d’une part celui qu’elle a réussi à construire pour elle-même et à ré-adapter constamment depuis 25 ans, et d’autre part celui qu’elle permet à ses équipes d’atteindre. Il lui semble en effet important, à l’intérieur d’un programme de travail défini, que chacun puisse être libre de ses horaires et de les adapter à ses contraintes familiales… tout en y mettant certaines limites, notamment pour éviter les sensations d’injustice entre les salariés. De manière générale, cette flexibilité est aussi le reflet d’un bon esprit au travail. Les équipes sont motivées, dévouées, positives, et cela se ressent jusque dans le langage: les expressions qui fleurissent "Por supuesto", "Adelante", "Vamos", "Lo vamos a conseguir"… sont autant de signes d’énergie et de courage. Une flexibilité qui ne va pourtant pas jusqu’à la mobilité géographique Clotilde Betermier regrette qu’il soit si difficile de faire bouger géographiquement les salariés espagnols. Confrontée à ce phénomène d’attachement fort à la ville d’origine, elle avait déjà eu toutes les peines du monde à trouver pour La Croissanterie des salariés qui acceptent de partir, ne serait-ce que quelques mois, dans une autre ville pour gérer l’un des nouveaux points de vente. Mais ce point est en train d’évoluer, avec de jeunes générations plus enclines à envisager la mobilité géographique, y compris internationale. Clotilde Betermier observe à cet égard une plus grande curiosité et davantage d’initiative chez les jeunes salariés qu’elle encadre désormais que chez ceux qu’elle encadrait il y a 20 ans. Les 3 conseils qu’elle donnerait à un manager français qui arriverait en Espagne le mois prochain ? - Observer, écouter, comprendre avant de décider, et valoriser plutôt que juger ce qui a été fait jusque là. Les Français ont parfois la réputation d’arriver en terrain conquis et de changer les choses un peu trop vite. - Ce manager sur le point d’arriver en Espagne pourrait également s’abonner à l’édition espagnole du Petitjournal.com [merci ! ndlr], qui donne un panorama très clair de ce qu’il se passe en Espagne, et s’abonner au service presse de l’Ambassade de France en Espagne. - Apprendre vite, bien, et intensément l’espagnol ! Propos recueillis pour lepetitjournal.com par Laure Helfgott, Coach certifiée HEC Paris. Cette interview se place dans le cadre de l'étude qu'elle mène à Madrid, en partenariat avec lepetitjournal.com et La Chambre, sur l'influence de la culture espagnole dans les pratiques managériales des dirigeants français en Espagne.
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AuthorLaure Helfgott Archives
October 2020
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